France – Allemagne : comment chacun conçoit son indépendance énergétique

France – Allemagne : comment chacun conçoit son indépendance énergétique

La France avait vers 2000 un socle d’électricités propres pilotables (nucléaire, hydraulique, autres renouvelables pilotables) > 90%. Dans les années 2021-2023 (moyenne), ce socle est descendu à 80%.

Entretemps les EnR intermittentes sont arrivées, montant jusqu’à 12-15% du mix électrique.

Les fossiles sont descendus aux alentours de 7-8%, étant précisé qu’il n’y a plus en France le moindre gisement fossile (gaz, charbon, pétrole) pour contribuer à assurer l’indépendance énergétique.

On a ainsi empilé des EnR intermittentes qui, dans un jeu qui est à somme nulle (consommation à peu près étale), n’ont pas d’autre effet que d’évincer le nucléaire.

L’Allemagne avait vers 2000 un socle d’électricités propres pilotables (nucléaire + hydraulique) < 35%. En 2023, ce socle est descendu à 15% par une fermeture du nucléaire que compense partiellement un investissement massif dans la biomasse (dédiée à la production d’électricité, contrairement à la France).

Les EnR intermittentes sont montées à 40% et les fossiles sont descendus de 67% à 45%.

L’Allemagne a probablement le sentiment d’assurer son indépendance énergétique en maintenant une part significative de recours à ses gisements fossiles (charbon, lignite), ce qui lui permet au passage de conserver un socle pilotable minimum, à hauteur de 60%. Et tant pis si c’est fortement carboné.

Ce dans un jeu qui est à somme nulle (consommation à peu près étale, 2023 mis à part).

L’éolien qui est intermittent a besoin d’une béquille fossile

L’éolien qui est intermittent a besoin d’une béquille fossile

Pas  d’éolien  sans  gaz  à  côté  :  il  existe  un  lien  économétrique  entre les électricités intermittentes et le gaz

  1. Une étude réalisée par le Cérémé portant sur l’année 2020 fait ressortir que l’éolien et le solaire ont une contribution anecdotique environ 30% des jours de l’année. Un peu moins anecdotique 9% de l’année mais avec modération. Grâce au solaire lors de la pointe de consommation méridienne, qui n’est du reste la pointe quotidienne principale qu’en été, les jours ouvrés.
  1. Selon une étude économétrique réalisée par le Cérémé portant sur 12 mois (septembre 2020 à août 2021), une diminution de la production éolienne et solaire de 1GW entraîne une augmentation de la production gazière de 0,32 GW, toutes choses égales par ailleurs.

On observe enfin, par un suivi régulier sur Eco2Mix https://www.rte-france.com/eco2mix/la-production-delectricite-par-filiere, que :

  • pour pallier l’intermittence de l’éolien et du solaire, le recours à des capacités thermiques à flamme ne se limite pas aux jours de grands froids anticycloniques. .
  • la production gaz + charbon/fuel est systématiquement la plus élevée aux moments où le couple intermittent éolien + solaire est le plus faible. Donc quand il y a soit peu de vent, soit peu ou pas d’ensoleillement, soit les deux.

Du moins les jours ouvrés de la semaine.

Eco2Mix révèle par ailleurs un lien inverse entre l’évolution quotidienne du solaire et la production hydraulique.

Le potentiel de photovoltaïque en France : le recensement de l’ADEME

Le potentiel de photovoltaïque en France : le recensement de l’ADEME

Rapport ADEME 2019 :

Annonce par ENEDIS et RTE de leurs prévisions d’investissements jusqu’en 2035 : 69 Mds € pour ENEDIS + 33 à 35 Mds € pour RTE, total 102 à 104 Mds € sur 15 ans)

Ces 53 GW + les 9 GW installés fin 2018 = 62 GW

Rappel engagement Belfort : 109 GW en 2050

 

53 GW, c’est :

  • environ 15 ans sans avoir à toucher aux terres agricoles, pastorales ou forestières
  • – selon la technologie, la mobilisation de 40 000 à 60 000 hectares de zones délaissées

Epilogue :

En mars 2022, la filière ayant exigé une emprise minimale de 1,5 ha/ projet, l’ADEME déclare qu’il reste 843 sites représentant un potentiel inférieur à 8 GW.

Le coûts vertigineux et variable des raccordements et renforcements de réseaux à des horizons de temps variables

Le coûts vertigineux et variable des raccordements et renforcements de réseaux à des horizons de temps variables

Octobre 2020 :

Annonce par ENEDIS et RTE de leurs prévisions d’investissements jusqu’en 2035 : 69 Mds € pour ENEDIS + 33 à 35 Mds € pour RTE, total 102 à 104 Mds € sur 15 ans).

28 septembre 2022 :

RTE annonce qu’il faudra y ajouter 4 Mds € chaque année entre 2035 et 2050, total 162 Mds € sur 30 ans.

(Intervention de son directeur des relations institutionnelles en Mission Flash Assemblée Nationale sur « l’acceptabilité et les modalités du déploiement des énergies renouvelables (EnR) ».)

Entretemps :

RTE a estimé dans ses Futurs Energétiques 2050 les coûts d’investissement dans le système électrique, cette fois sur la période 2020 – 2060 : 220 Mds € pour le scénario N03 limitant le nucléaire à 50% et comportant le moins d’EnR, 350 Mds € pour les scénarios avec le plus d’EnR :

Les coûts de production des électricités propres

Les coûts de production des électricités propres

Deux grandes méthodes pour calculer les coûts :

  • – les coûts du système électrique 2019-2050 : méthode privilégiée par RTE, elle a été explorée par le Cérémé dans son scénario modélisé par Roland Berger (cumul des coûts sur 32 années)
  • – les coûts complets de production par source : méthode permettant des comparaisons entre sources à l’instant Paramétrable à volonté, y compris sur le critère du taux d’actualisation du futur.

1. Les coûts du système électrique 2019-2050 :

Enseignement :

Le scénario Cérémé 2050 comportant le plus de nucléaire de série industrielle et le moins de raccordements au Réseau est plus avantageux pour la France (écart 11 Mds €/an).

 

2. Les coûts complets de production par source :

  1. En retenant les paramètres officiels (officiels quoique parfois datés) : https://cereme.fr/wp-content/uploads/2022/07/C-12-Comparaison-des-couts-complets-de- production-de-lelectricite_.pdf
2. En testant des PARAMETRES alternatifs :

Quelques exemples :

L’outil du Cérémé permet de tester des hypothèses variées :

  • – une inflation sur les postes Coûts d’investissement/ coûts à la construction
  • – de moindres facteurs de charge
  • – une hausse du taux d’actualisation, passé ci-dessous de 5% à 6%
Enseignements :

Quel que soit le paramétrage retenu, le nucléaire de série industrielle et l’hydraulique au fil de l’eau sont les électricités toujours les mieux placées en coûts de production complets quel que soit le paramétrage. Disponibles pour servir la pointe et nécessitant peu de raccordements, elles sont aussi les sources les plus décarbonées.

Les éoliens ne sont pas bien placés, a fortiori si l’on tient compte du coût de leurs raccordements et insertion dans le réseau. On voit mal quels facteurs pourraient les rendre plus compétitifs.

Le grand photovoltaïque au sol, autrement dit le moins cher, est un peu mieux placé.

Il n’existe aucune raison d’accélérer les énergies intermittentes

Il n’existe aucune raison d’accélérer les énergies intermittentes

I. Il n’y aura pas de mur électrique en 2030-2035 :

Le « mur électrique de 2030-2035 » est une invention de la filière pour obliger les Français de la ruralité à accepter les éoliennes.

En effet, quand on met bout à bout les capacités bas-carbone disponibles et les moyens de bouclage mobilisables, on observe que l’on passe sans difficultés les extrêmes pointes hivernales :

Si d’aventure la demande de pointe hivernale s’avérait plus forte que la marge de sécurité déjà prise (10% soit 9 GW), il existe un potentiel mobilisable supplémentaire significatif : utiliser les flexibilités disponibles, et engager les moyens de réserve existants (gaz de réserve, importations).

  • Pour fournir à la pointe, pas besoin d’accélérer sur les électricités intermittentes, ce qui serait totalement inutile car …

… 6% de beaucoup d’éolien c’est pareil que 6% de peu d’éolien : c’est très peu.

… 0% de beaucoup de solaire et 0% de peu de solaire, c’est 0% : c’est nul.

II. Pourquoi accélérer l’éolien terrestre alors que l’objectif de Belfort (37 GW en 2050) est atteint ?

Il n’y a plus lieu d’accélérer sur l’éolien terrestre, le niveau Belfort étant atteint dès 2027 avec 25 ans d’avance, ce que les pouvoirs publics ne peuvent ignorer.

Le lien entre électricités intermittentes et gaz, en volumes

Le lien entre électricités intermittentes et gaz, en volumes

  1. Une étude réalisée par le Cérémé portant sur l’année 2020 fait ressortir que l’éolien et le solaire ont une contribution anecdotique environ 30% des jours de l’année. Un peu moins anecdotique 9% de l’année mais avec modération. Grâce au solaire lors de la pointe de consommation méridienne, qui n’est du reste la pointe quotidienne principale qu’en été, les jours ouvrés.=> il a fallu en 2020 faire tourner les centrales à gaz entre 15 et 20 semaines/an au moins 16 heures/jour, comme on peut l’observer par les relevés en continu publiés par RTE (Eco2Mix)
  2. Selon une étude économétrique réalisée par le Cérémé portant sur 12 mois (septembre 2020 à août 2021), une diminution de la production éolienne et solaire de 1GW entraîne une augmentation de la production gazière de 0,32 GW, toutes choses égales par ailleurs.

On observe enfin, par un suivi régulier sur Eco2Mix, que :

  • – pour pallier l’intermittence de l’éolien et du solaire, le recours à des capacités thermiques à flamme ne se limite pas aux jours de grands froids anticycloniques. .
  • – la production gaz + charbon/fuel est systématiquement la plus élevée aux moments où le couple intermittent éolien + solaire est le plus faible. Donc quand il y a soit peu de vent, soit peu ou pas d’ensoleillement, soit les deux. Du moins les jours ouvrés de la semaine.

Eco2Mix révèle par ailleurs un lien inverse entre l’évolution quotidienne du solaire et la production hydraulique.

Quant au lien entre électricités intermittentes et prix de l’électricité, le Cérémé l’a évoqué dans une autre étude économétrique publiée en avril 2022.

Les opérateurs éoliens contribuent-ils au budget de l’Etat et à la préservation du pouvoir d’achat des ménages ?

Les opérateurs éoliens contribuent-ils au budget de l’Etat et à la préservation du pouvoir d’achat des ménages ?

Si ce n’était son coût élevé, au point que l’ADEME a fait disparaître du radar ses chiffrages dans son édition 2020 du dossier « Les coûts des renouvelables », pourquoi pas ?

En réalité, l’Etat s’est enfin décidé à demander à des opérateurs, qui jusqu’à présent vivaient de subventions, une participation à l’effort collectif.

Concrètement pour l’éolien, tout dépend du régime contractuel applicable :

  1. contrats pré-2017 (tarif d’achat garanti) : EDF ajoute à ses propres productions l’électricité que ces contrats lui imposent d’acheter au prix moyen de 92 €/MWh et la revend sur la base de ses propres obligations contractuelles : Arenh à 46,2 €/MWh, tarifs réglementés (aux environs de 110 €/MWh, prix intégrant les coûts de raccordement des EnR), contrats à long terme passés avec les industriels, etc.
  2. contrats post-2017 (complément de rémunération) : l’opérateur vend directement sur le marché.
    L’opérateur devra rembourser à l’Etat les compléments de rémunérations perçus antérieurement (basés sur le tarif garanti précité), en vertu des clauses de sauvegarde prévoyant que l’opérateur ne peut pas toucher plus que ce tarif garanti à titre de la moyenne des 12 mois précédents.
    L’opérateur a la possibilité de sortir du système en remboursant la totalité des subventions reçues depuis le début du subventionnement de son site éolien.
  • France Energie Éolienne est-elle fondée à attribuer à ses opérateurs le mérite de la suppression des subventions dont ils profitaient depuis 20 ans ?
    • Non, c’est seulement l’Etat qui s’est décidé à activer et renforcer les clauses de sauvegarde existantes.
  • Est-ce que la filière contribue à diminuer les dépenses de l’Etat ?
    • Non, car la limitation décidée début 2022 de la hausse de l’électricité à + 4 % pour les bénéficiaires de tarifs réglementés a en réalité été financée par la quasi-mise à zéro de la CSPE (22,5 €  0,5 € HT/ MWh).

Il incombera à la Commission de Régulation de l’Energie en charge de suivre les charges du service public de l’énergie (Programme Budgétaire 345) de :

  • – présenter un décompte de ces différentes opérations afin d’en faire apparaître le bilan net ;
  • – demander à nouveau aux pouvoirs publics de publier les subventions reçues par chaque producteur d’électricité, comme les y oblige une directive européenne.

NB : on attend avec intérêt les décisions que l’Etat pourrait prendre concernant l’éolien offshore lors de leur mise en exploitation dont les prix convenus sont proches des prix de marché actuels voire supérieurs.

Plus que jamais EDF est le pivot de la maîtrise socio-économique des prix à la consommation de l’électricité :

  • – seul le coût des électricités liées au gaz, tel que l’éolien et le solaire, a augmenté ces derniers mois ;
  • – les autres moyens de production d’électricité sont restés au même coût. L’État français et EDF ont ainsi donc pu éviter aux consommateurs les hausses considérables du prix de l’électricité subies dans les autres pays d’Europe qui prônent une électricité produite par la combinaison des ENR intermittentes et des centrales au gaz.

 

Si l’éolien rentre enfin dans le droit commun, pour autant il n’est pas à l’origine de la préservation du pouvoir d’achat des ménages.